Procédures collectives : action du créancier (vraiment ?) interdite ?

Devant les impayés de son débiteur, une société décide de s’adresser au juge pour résilier leur contrat. Problème : le débiteur est mis en redressement judiciaire. Une circonstance sans conséquence selon le créancier. Un obstacle insurmontable selon le débiteur. Qu’en pense le juge ?

Procédures collectives : ni poursuite ni constat ?

Lorsqu’une société connaît des difficultés, elle peut (ou doit selon les cas) faire l’objet d’une procédure collective, ce qui a notamment pour conséquence l’application de règles particulières. Il en va ainsi pour les poursuites engagées à son encontre par son créancier.

En principe, les actions en justice des créanciers sont interrompues ou interdites lorsqu’elles tendent :

  • à la condamnation de l’entreprise débitrice au paiement d’une somme d’argent ;
  • à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

Autrement dit, l’entreprise débitrice bénéficie d’une « protection » temporaire contre certaines actions en justice de ses créanciers.

Dans une affaire récente, une société a loué à une autre une vingtaine de véhicules utilitaires. Dans leur contrat était prévue une clause résolutoire, c’est-à-dire une clause indiquant dans quelles conditions le contrat prendrait fin si une des parties venait à ne pas respecter ses engagements.

Quelque temps après, la société locataire cumule les loyers impayés. Le bailleur, après avoir mis en demeure son locataire de payer sans succès, demande au juge de constater l’acquisition de la clause résolutoire. Dit autrement, le bailleur demande au juge de constater que, compte tenu des impayés, il est dans son droit de mettre fin au contrat, de réclamer ses loyers et la restitution des utilitaires loués.

Au regard des éléments apportés, le juge donne raison au bailleur.

Sauf que, quelques jours seulement après le jugement, la société locataire est mise en redressement judiciaire… Elle décide donc de demander au juge d’invalider la décision précédente.

Pourquoi ? Justement parce qu’elle est en redressement judiciaire ! Or rappelle la société, la loi indique bien que les actions des créanciers pour obtenir la condamnation au paiement d’une somme d’argent ou la résolution d’un contrat pour raison d’impayés sont interdites ou interrompues lorsqu’elles visent une entreprise en procédure collective … ce qui est le cas ici !

« Mais pas du tout ! », se défend le bailleur : même si son locataire a été mis en redressement judiciaire, il n’en demeure pas moins que la clause résolutoire de leur contrat était acquise avant la procédure collective ! Par conséquent, elle doit être appliquée, avec toutes ses conséquences…

« Faux ! », réplique la société locataire : la 1re décision du juge qui allait dans le sens du créancier n’était pas passée en force de chose jugée, c’est-à-dire que cette décision pouvait être remise en cause devant un nouveau juge, ce qu’a d’ailleurs fait la locataire…

Un argument insuffisant pour convaincre le juge, qui donne raison au bailleur.

Certes, la loi interrompt ou interdit les actions tendant au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement par un créancier contre son débiteur en procédure collective.

Pour autant, la loi ne fait pas obstacle à la constatation d’une clause résolutoire ayant produit ses effets avant la procédure collective !

Autrement dit, le bailleur qui réclame qu’on tire les conséquences d’une clause d’un contrat dont l’évènement déclencheur (les loyers impayés) s’est déroulé avant la procédure collective peut aller devant le juge…

Procédures collectives : action du créancier (vraiment ?) interdite ? – © Copyright WebLex

Partager cet article
Inscrivez vous à la newsletter
Restez informé à chaque instant
Découvrez nos derniers articles
Actualités

Associés de sociétés d’exercice libéral : des travailleurs indépendants ?

Parce que les rémunérations versées aux associés de sociétés d’exercice libéral sont désormais imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, à l’instar des travailleurs indépendants exerçant une activité non commerciale, peuvent-ils, tout comme ces derniers, opter pour l’assimilation à une EURL et donc pour leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés ? Réponse…

Lire plus »
Actualités

BCR : faire le point sur la conformité de sa politique

Depuis 2018, les utilisations faites des données personnelles des Européens sont encadrées par le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Il impose notamment aux entreprises souhaitant transférer des données à l’étranger de prendre des précautions importantes pour s’assurer que ces données ne courent aucun danger…

Lire plus »
Actualités

Désignation d’un représentant fiscal : un modèle de lettre mis à jour !

Certaines entreprises étrangères non établies dans l’Union Européenne sont redevables de la TVA en France ou doivent accomplir certaines obligations déclaratives en France. Dans ce cadre, elles sont tenues de désigner par écrit un représentant fiscal en France. Le modèle de lettre de désignation vient d’être actualisé. Focus.

Lire plus »